Traitement chirurgical des anévrysmes de la circulation antérieure

, par  Julien Engelhardt , Emmanuel Cuny , Guillaume Penchet , popularité : 8%

VI. Complications procédurales et suivi post-opératoire :

VI.1 Surveillance  : cf chapitre « pathologie » sur l’hémorragie sous-arachnoïdienne

VI.2. Complications possibles :

Outre les complications inhérentes à tout acte chirurgical, elles sont essentiellement de deux ordres : la rupture per-opératoire et l’infarctus post-opératoire.

VI.2.a. Rupture per-opératoire

La rupture per-opératoire représente le principal évènement grave pouvant survenir lors de l’exclusion chirurgicale d’un anévrysme intra-crânien. Rapportée dans 1 à 20% des cas, elle est évidemment beaucoup plus fréquente lors de l’abord d’un anévrysme rompu. Inductrice de stress chirurgical lors de sa survenue mais aussi pour les chirurgies à venir, ses conséquences sont variables mais potentiellement graves. Il est effectivement rapporté une augmentation du simple au double de la morbidité / mortalité chirurgicale directe, principalement caractérisée par la survenue d’une ischémie cérébrale post-opératoire plus ou moins étendue et l’aggravation d’un œdème cérébral. Dans la majorité des cas, la rupture est liée à une erreur technique au cours de la dissection ou lors de la pose du clip définitif. Ses circonstances de survenue sont multiples et doivent être bien connues pour la réalisation de cette chirurgie.

i. Circonstances de survenue

    • Schéma de dissection inadéquat : abord sur la phlyctène de rupture La phlyctène de rupture est capitale à repérer sur les examens radiologiques pré-opératoires car elle représente la zone la plus fragile de l’anévrysme et délimite un espace de dissection dangereux. Elle est parfois délicate à identifier lors de la procédure chirurgicale en particulier lorsqu’il existe une hémorragie sous-arachnoïdienne abondante au contact. Généralement, on constate l’existence d’un caillot sanguin adhérent au sac qu’il convient de ne pas mobiliser et d’envisager, si nécessaire, une résection cérébrale sous-piale pour le libérer de ses adhérences corticales.
    • Rétracteurs cérébraux mal positionnés et/ou trop appuyés Outre le risque de compression veineuse ou artérielle lié à la mauvaise utilisation des écarteurs auto-statiques, une rétraction trop prononcée peut entrainer une déchirure du sac anévrysmal lorsque celui-ci est adhérent à la pie-mère, à la dure-mère ou lorsque l’anévrysme est intra-parenchymateux. Ils ne doivent donc être utilisés qu’avec parcimonie en prenant en compte les rapports entre espace de traction et zone de fragilité anévrysmale.
    • Décollement devaisseauxadhérents au sacanévrysmal Parfois simple de réalisation, la difficulté et le risque de rupture augmentent sensiblement lorsque les adhérences se font au contact d’une zone de fragilité de l’anévrysme (a fortiori, sur la phlyctène de rupture) ou bien lorsqu’il n’existe pas de plan de clivage, l’artère apparaissant comme incluse dans le sac. Dans ces conditions, l’enjeu est de reconnaitre les rares situations nécessitant impérativement cette dissection pour autoriser la pose d’un clip. Si possible, elle représentera dans ce contexte le dernier geste de dissection à effectuer et sera réalisée au mieux sous clampage temporaire. Les clips fenêtrés présentent, bien évidemment, un grand intérêt dans ce contexte.
    • Clip définitif trop précoceavec unedissection insuffisante La tentation de poser un clip trop précocement est d’autant plus fréquente que les difficultés réelles ou imaginées de la dissection s’amoncellent. Le risque, entre autres, est un clip mal positionné entrainant une exclusion incomplète et exerçant une traction trop importante sur le sac anévrysmal pouvant entrainer sa déchirure en cas d’adhérences corticales ou dure-mériennes.
    • Colletde l’anévrysme athéromateux L’existence d’une plaque athéromateuse sur le collet de l’anévrysme est capitale à repérer sur l’imagerie pré-opératoire et peut être pré- supposée chez le sujet âgé, les patients à facteurs de risque vasculaire multiples ou en cas d’anévrysmes géants. Outre le risque thrombo-embolique propre à la manipulation et à l’exclusion chirurgicale de tels anévrysmes, l’absence de compliance à la déformation d’un collet athéromateux expose à la déchirure du sac à son contact lors de la tentative de pose d’un clip.

ii. Que faire face à une rupture anévrysmale per-opératoire ?

Une survenue précoce, le site au collet ainsi que la sévérité de la rupture (majeure, multiples) sont les éléments principaux conditionnant le risque ischémique post-opératoire. Maisdes facteurs propres à l’expertise de l’opérateur interviennent également, comme le délainécessaire pourcontrôlerl’hémorragieainsi que les méthodes employées à cette fin. Selon les cas, des solutions techniques simples à décrire ou parfois plus complexes à réaliser peuvent être proposées. De façon générale, il convient de proscrire impérativement toute précipitation des gestes afin d’éviter l’aggravation malencontreuse d’une situation déjà tendue.Troissituations distinctes recouvrant la majorité des cas sont identifiables.

    • Une hémorragie modéréeet/ou un vaisseauporteur accessibleet/ou une dissectionen phase terminale Dans cette situation, le contrôle est généralement simplement obtenu après identification de la zone de rupture à l’aide d’un aspirateur doux, tamponnement de la zone de rupture à l’aide d’un micro-coton chirurgical et … un peu de patience puisque l’arrêt de l’hémorragie peut prendre 2 à 3 minutes. Ce délai peut être mis à profit en demandant à l’équipe d’anesthésie une baisse modérée de la pression artérielle ou tenter la mise en place soit d’un clip temporaire sur l’artère porteuse soit la pose d’un clip définitif si la dissection est terminée.
    • Une hémorragie massive et/ou la survenue en début de dissection Le contrôle de l’hémorragie est dans ce cas beaucoup plus complexe et parfois particulièrement déstabilisant. Malgré ses conséquences potentielles, il est souvent indispensable d’obtenir une diminution sensible de la pression artérielle pour faciliter la prise de décision du ou des gestes à réaliser en urgence. Identifier la zone de rupture est un impératif qui reste dans ce cas prioritaire car il permet la mise en place d’une canule d’aspiration forte dans le sac anévrysmal et d’en obtenir l’effondrement au moins partiel. Un clip temporaire peut ainsi souvent être placé en travers du sac, obturant le site de rupture. Une fois l’hémorragie contrôlée un moment de détente est fortement conseillé pour comprendre l’origine de la rupture et reprendre la dissection avec une plus grande marge de sécurité. Pour éviter toute nouvelle hémorragie, la recherche et le contrôle du vaisseau porteur de l’anévrysme doivent être l’objectif suivant de la dissection.
    • Hémorragie par rupture au collet Là aussi, la situation est extrêmement complexe à gérer car il n’est souvent plus possible d’entrevoir la pose d’un clip sans occlusion du tronc artériel porteur ou d’au moins une de ses branches de division principales. Ce site de rupture reste heureusement rare car survenant en un point où la paroi de l’anévrysme est généralement la plus solide. La rupture se produit principalement lors de la pose d’un clip sur un collet anévrysmal athéromateux et donc peu déformable. La fermeture du clip entraine généralementune déchirure du sac anévrysmalentre la plaque d’athérome et les mords du clip. Il faut dans ce cas, et afin de prévenir toute majoration de la déchirure, stopper impérativement la fermeture du clip et le retirer rapidement. Si possible un tamponnement comme précédemment décrit peut être tentémais il est le plus souvent nécessaire d’avoir recours à un clampage temporaire, au minimum, de l’axe artériel porteur.Plusieurs solutions peuvent alors être proposées mais toutes comportent une exigence technique parfois difficilement conciliable avec le stress induit. L’idéal dans ce type de situation est d’obtenir l’aide d’un autre chirurgien rompu à la chirurgie des anévrysmes, celui-ci apportant souvent des conseils raisonnés au choix du meilleur traitement mais aussi et surtout un « réconfort » et une aide chirurgicale souvent essentiels.La première solution consiste à prélever un bandeau aponévrotique ou épicrânien et l’enrouler autour du collet de l’anévrysme. L’anévrysme est ensuite ponctionné afin de réduire au maximum toute tension exagérée sur son collet puis un clip définitif est posé lentement sur le bandeau. Le clampage temporaire est retiré dans l’ordre inverse de son application. Une nouvelle hémorragie impose de replacer les clips temporaires et d’envisager soit une endartériectomie intra-anévrysmale au bistouri à ultrasons et à la spatule mousse puis de recommencer la première procédure, soit la suture au fil 9/0 ou 10/0 de l’anévrysme en rabattant sur le site de rupture, la paroi opposée du sac. L’étanchéité dans ce dernier cas n’est pas toujours évidente à obtenir et le renfort d’agents hémostatiques (polyéthylène glycol, cellulose oxydée régénérée etc…) est souvent utile. Il peut cependant arriver qu’aucune des solutions proposée ne soient réellement envisageables soit du fait d’une déchirure totale du collet ou de difficultés techniques non surmontables. Le sacrifice d’une ou plusieurs artères est alors à entrevoir et peut être parfois compensé par la réalisation d’un pontage extra/intra-crânien de sauvetage. Ce dernier n’étant bien évidemment possible que si une artère extra-crânienne afférente (artère temporale le plus souvent) est accessible.

iii. Synthèse :

La prévention d’une rupture précoce est facilitée, non seulement par un apprentissage progressif des « codes de dissection » tels qu’ils ont été précédemment exposés avec un chirurgien sénior expérimenté, mais aussi par une analyse neuroradiologique pré-opératoire attentive des principaux écueils chirurgicaux prévisibles :

  1. Notion de ruptures multiples pré-opératoires
  2. Site de rupture probable : recherche d’un aspect phlycténulaire du sac anévrysmal
  3. Complexité anatomiqueet taille de l’anévrysme
  4. Adhérences de branches artérielles sur le sac
  5. Caractère athéromateux anévrysme : collet ++
  6. Adhérencesentre sac etdure-mère
  7. Accessibilité et visibilité de l’ensemble du collet (anévrysmes du siphon carotidien ou carotido-ophtalmique principalement)
  8. Difficulté prévisible d’ouverture d’une vallée sylvienne « virtuelle »