Adénomes hypophysaires

4.3 Bilan ophtalmologique

Un bilan ophtalmologique sera réalisé dès lors que l’adénome dépasse la loge sellaire avec une extension suprasellaire au contact du chiasma. Il devra comporter une étude de l’acuité visuelle, du champ visuel automatisé, un fond d’œil (recherche d’une pâleur ou d’une atrophie papillaire de valeur pronostique). L’OCT (Tomographie par Cohérence Optique) est intéressante pour rechercher une altération du nerf optique de valeur pronostique 30,32. Un test de Lancaster sera demandé fonction de la clinique.

4.4 Eléments d’imagerie

Bilan radiologique de référence pour les adénomes hypophysaires

L’anatomie nasale (figure 6 a, b, c) à la recherche d’une déviation septale, d’une épine nasale, de mégacornets ou de concha Bullosa (pneumatisation du cornet moyen) doit être particulièrement étudiée pour prévoir la voie d’abord ce qui peut être fait par un scanner du massif facial mais l’IRM peut être suffisante. La pneumatisation et la septation du sinus sphénoïdal feront aussi l’objet d’une attention particulière. Une absence de sinus sphénoïdal (sinus Concha) ne contre-indique pas un abord trans-sphénoïdal mais le chirurgien devra se créer par fraisage un néo-sinus ce qui requière de l’expérience. La neuronavigation ou imagerie per-opératoire sont alors particulièrement utiles.

JPEG - 55.8 ko
Figure 6 : a : déviation du septum nasale avec épine ; b : méga-cornet inférieur ; c : la pneumatisation et les cloisons du sinus sphénoidal peuvent être étudiés sur l’IRM réalisée en pré opératoire.

L’imagerie de référence pour l’hypophyse est l’IRM avec les séquences suivantes : coupes de 2 à 3 mm coronales et sagittales avec séquence T1 sans et avec injection de gadolinium et T2 coronales en écho de spin (figure 7).

JPEG - 62.3 ko
Figure 7 : a : séquence T1 coronale sans gadolinium ; b : séquence T1 avec gadolinium, l’antéhypophyse se réhausse de façon homogène. c : en sagittal, la posthypophyse apparaît en hypersignal sur les séquences en T1 sans gadolinium. d : Image d’une hypophyse normale en T2 coronale. Les veines caverneuses sont parfaitement visibles.

Une IRM de neuronavigation (séquences T1 gadolinium en 3D) est souhaitable dans l’hypothèse d’une chirurgie. Une attention toute particulière serait prêtée au dépistage d’un éventuel envahissement de la loge caverneuse. Deux classifications (Knosp, Cottier) sont en vigueur mais l’envahissement toujours difficile à affirmer en dehors des cas d’englobement de l’artère carotide interne intracaverneuse (figure 8).

JPEG - 92.9 ko
Figure 8 : Classification de Knosp (à gauche) et de Cottier (à droite) concernant l’évaluation de l’envahissement des loges caverneuses.

L’hypophyse résiduelle peut souvent, même dans les cas de macroadénome, être visualisée sous forme d’un fin hypersignal au pôle supérieur de l’adénome (figure 9).

L’évaluation de la consistance est aussi intéressante pour le chirurgien, une tumeur ferme sera beaucoup plus difficile à enlever qu’une tumeur friable, et peut être approchée par le T2 : une image hétérogène en hypersignal T2 sera friable, une image hypointense serait ferme ou sur la diffusion (un hyposignal serait en faveur d’une tumeur ferme) 4 même si cela reste encore discutée 70.

Particularité selon le type d’adénome

L’adénome somatotrope

Les adénomes somatotropes richement granulaires (densely granulated) répondent plus favorablement aux traitements médicaux. Ces adénomes pourraient être dépistés par un hyposignal en séquence T2. Cela nécessite néanmoins confirmation par des études complémentaires 58.
En l’absence d’adénome retrouvé sur l’IRM hypophysaire, un dosage de GH-RH avec scanner thoraco-abdominal, et un Octréoscan seront pratiqués pour dépister les tumeurs responsables d’une sécrétion ectopique.

L’adénome corticotrope

L’imagerie par IRM hypophysaire est de règle dans les syndromes ACTH dépendant (figure 5).

JPEG - 62.9 ko
Figure 5 : Photos du syndrome dysmorphique du Cushing. L’adénome est de type micro (flèche) parfois invisible sur l’IRM. En cas de négativité de l’IRM, un cathétérisme des sinus pétreux inférieurs est réalisé, le radiologue positionnant les micro-cathéters dans la partie verticale des sinus (flèches).

Des clichés dynamiques et éventuellement une séquence écho de gradient 3D pondérée en T1 (ED3D) peuvent être utiles. L’adénome est souvent un microadénome de quelques millimètres encore intra-hypophysaire 55, rarement des macroadénomes (évolution d’un adénome corticotrope silencieux) 63. L’absence d’image intrasellaire doit faire rechercher un adénome ectopique (adénome de la tige, parasellaire, sphénoïdal ou pharyngé) 34,47.
Si l’IRM est considérée comme normale, la réalisation d’un cathétérisme des sinus pétreux inférieurs (SPI) doit être discutée (figure 5). L’indication de cet examen doit néanmoins être bien évaluée, car il s’agit d’un cathétérisme chez des patients au terrain vasculaire fragile (risque d’AVC). Après cathétérisme des sinus pétreux inférieurs (SPI), il est donc possible de doser l’ACTH au plus près de l’hypophyse et de définir un ratio ACTH dans les SPI ou valeur centrale sur la valeur périphérique qui supérieur spontanément à 2 ou à 3 après stimulation au CRH ou à la Desmopressine est en faveur d’une origine hypophysaire 5,12. La valeur du test dans la latéralisation avec la recherche d’un gradient d’ACTH droit/gauche est par contre peu fiable 79.

Les adénomes hypophysaires atypiques ou carcinomes
Le bilan IRM hypophysaire doit être complété par un bilan d’extension an cas de suspicion d’adénome atypique. Une IRM crânio-spinale et un PET-scan seront demandés à la recherche de localisations secondaires qui seules assureront le diagnostic de carcinome hypophysaire.

L’apoplexie pituitaire
Il n’y a pas de particularité, l’IRM représentant l’imagerie de référence. Le scanner cérébral est toutefois souvent pratiqué en premier lieu dans un contexte d’urgence avec l’hypothèse d’une hémorragie méningée éventuelle. Il montrera une tumeur sellaire souvent en hyperdensité. L’IRM montrera une image de tumeur plus ou moins infarcie (hyposignal T1, hypersignal T2) et hémorragique (hypersignal T1 et T2 initialement) où l’on recherchera l’extension extrasellaire et un éventuel résidu adénomateux (figure 10). Un épaississement muqueux du sinus sphénoïdal est fréquemment noté parfois mis en relation avec la sévérité de l’apoplexie 2,42.

JPEG - 49.8 ko
Figure 10 : images d’apoplexie pituitaire phase aigue. a, séquence coronale T1 sans gadolinium : image en hyper et hyposignal hétérogène. b, séquence coronale T1 avec gadolinium : pas de rehaussement et pas d’image résiduelle d’adénome ou d’antéhypophyse. Extension vers la loge caverneuse gauche chez ce patient présentant une atteinte du III gauche mais pas à l’évidence d’envahissement latéral. A noter, l’image de « sinusite » sphénoïdale classiquement décrite dans les apoplexies pituitaires et corrélée à la sévérité du tableau d’apoplexie. c : séquence T2 coronale.

Diagnostics différentiels
Le patient est parfois adressé avec un faux diagnostic d’adénome hypophysaire qu’il faut redresser.
Ainsi, d’autres tumeurs sellaires ou suprasellaires peuvent simuler un adénome. Les plus fréquentes restent des tumeurs bénignes tels le méningiome ou le craniopharyngiome (figures 11).

JPEG - 62.5 ko
Figures 11 : a : séquence IRM T1 avec gadolinium, sagittale montrant une image typique de méningiome (petite selle, insertion et développement sur le tubercule de la selle turcique, hypophyse visible au fond de la selle trucique) ; b : séquence IRM T1 avec gadolinium, sagittale montrant un craniopharyngiome (image hétérogène kystique et charnue) ; c : image de craniopharyngiome kystique ; d et e : séquence IRM T1 avec gadolinium, sagittale et coronale montrant une image à maximum suprasellaire dans un contexte de tumeur pulmonaire. Il s’agissait d’une métastase. ; f : séquence IRM T1 avec gadolinium, sagittale d’un lymphome. Tout comme le germinome, il s’agit souvent d’une image suprasellaire.


- Le méningiome du tubercule de la selle peut mimer un adénome. Il n’y a pas de critères cliniques spécifiques. La discordance radiologique entre une large partie suprasellaire et une petite selle turcique dans laquelle l’hypophyse reste visible redressera le diagnostic. Le signe de la queue de comète avec une prise de contraste large sur l’étage antérieur et moyen attirera aussi l’attention (figure 11a).
- Le craniopharyngiome : il s’agit d’un diagnostic de faible probabilité chez l’adulte (il existe néanmoins un pic au alentour de la 5ième décennie). L’insuffisance antéhypophysaire est plus fréquente mais surtout il peut exister une insuffisance post-hypophysaire totalement exceptionnelle en cas d’adénome hypophysaire. Le craniopharyngiome sellaire et suprasellaire dans sa forme purement kystique pourra être difficile à distinguer d’un adénome kystique (figure 11c). La forme classique mixte kystique-charnue avec quelques calcifications comme les formes suprasellaires sont par contre aisées à différencier d’un adénome (figure 11b).
-  Les autres types tumoraux sont rares. Les métastases de la région hypophysaire sont probablement sous-estimées (figures 11 d et e). Le contexte clinique (contexte oncologique, une insuffisance post-hypophysaire, paralysie oculomotrice) aidera à être méfiant et à évoquer le diagnostic car l’aspect radiologique n’est pas spécifique. Une lyse osseuse devra toutefois faire suspecter une étiologie maligne. Les aspects peuvent être variable entre un élargissement de la tige pituitaire ou tumeur sellaire ou suprasellaire. Le lymphome et le germinome atteignent surtout la région infundibulo-tubérienne avec une forte prise de contraste et souvent une atteinte anté ou posthypophysaire clinique (figure 11f). L’atteinte bipolaire est caractéristique des tumeurs germinales.
- La distinction entre adénomes kystiques (figure 12 a) et kystes de la région sellaire peut poser des problèmes dans la pratique (figure 12). Le kyste de la poche de Rathke est en hypersignal T1 dans la moitié des cas (contenu protéiforme), hypersignal T2 avec un nodule intrakystique ne prenant pas le produit de contraste surtout visible en T2 (figures 12 d, e, f). Le diagnostic de selle vide est posé devant une déhiscence du diaphragme sellaire avec visualisation de l’hypophyse plaquée au fond d’une selle turcique « ballonnisée ». Cela peut accompagner une hydrocéphalie chronique figure 12 c). Le kyste arachnoïdien sellaire et suprasellaire (figure 12 b) donnera cette même image d’hypophyse au fond de la selle mais avec un développement suprasellaire compressif. Il s’agit souvent de sujet d’âge moyen ou âgé. Le kyste épidermoïde ou dermoïde, diagnostic différentiel des kystes arachnoïdiens est souvent suprasellaire et la séquence de diffusion pourra aider au diagnostic (hyposignal et non hyper ne s’agissant pas de liquide).

JPEG - 75.3 ko
Figures 12 : a : séquence IRM T1 avec gadolinium, coronale montrant un macroadénome kystique ; b : séquence IRM T1 avec gadolinium, sagittale montrant une image de kyste arachnoïdien ; c : séquence IRM T1 avec gadolinium, sagittale montrant une image de selle partiellement vide ; d, e, f : images de kystes de la poche de Rathke avec une image « de grelot » caractéristique en hyposignal T2.


Les étiologies pseudotumorales inflammatoires (neurohypophysite, histiocytose, sarcoidose...) sont suprasellaires avec élargissement de la tige et fréquemment un diabète insipide dont nous avons dit qu’il devait faire remettre en question la diagnostic d’adénome (figures 13). Un diagnostic de pathologie inflammatoire peut être plus difficile, c’est l’adénohypophysite de la femme enceinte (fig. 13 b). Survenant dans le dernier trimestre ou dans le postpartum récent, l’image peut en imposer pour un adénome. Il faut y penser systématiquement dans le contexte.

JPEG - 58.4 ko
Figures 13 : a : les atteintes inflammatoires type sarcoïdose (a) ou neurohypophysite atteignent souvent la tige et ne posent pas de problème diagnostic avec un adénome. L’adénohypophyse lymphocytaire de la femme enceinte ou du postpartum peut être plus difficile à différencier de l’adénome (b) ; c et d : l’anévrysme de la loge carotide étendu à la selle turcique se différencie aisément sous réserve d’y penser.


L’abcès hypophysaire est rare et donnera une image en hypo signal T1 avec rehaussement périphérique dans un contexte hyperthermique et d’insuffisance hypophysaire.
Les exceptionnelles étiologies vasculaires doivent être présentes à l’esprit du fait des conséquences potentielles chirurgicales. Plus que l’anévrysme de la communicante antérieur plongeant, l’anévrysme carotido-caverneux déformant la selle peut être trompeur (fig 13 c et d).