Médulloblastomes de l’enfant

*3) Chimiothérapie

Le médulloblastome est la tumeur du système nerveux central la plus chimiosensible après les tumeurs germinales comme en témoignent les taux de réponse observés sur les résidus tumoraux ou dans les formes récidivantes (13). Ces taux varient entre 60 et 90 % selon les études de phase II où le nombre de malades évaluables est cependant compris entre dix et trente. Les meilleurs taux de réponse ont été obtenus avec des polychimiothérapies comportant un dérivé du platine. La chimiothérapie associée à la radiothérapie a permis d’augmenter les taux de survie et de diminuer les doses de radiothérapie prophylactique de 35 à 25 Gy chez les patients de risque standard (51). Elle a par ailleurs permis, chez les enfants de moins de 5 ans, de différer la radiothérapie voire de la supprimer chez certains patients à bas risque (27, 59).

Les essais thérapeutiques successifs et les progrès de la biologie ont permis de distinguer des groupes de traitement selon l’âge de l’enfant, le stade, la qualité de l’exérèse et la biologie du médulloblastome.

Pour les enfants de plus de 5 ans, de risque standard (localisé, sans résidu, biologie non défavorable), l’utilisation de 8 cycles d’une poly chimiothérapie associant cisplatine CCNU et vincristine est actuellement le traitement standard après la radiothérapie. Ce traitement permet d’obtenir un taux de survie à 5 ans de l’ordre de 85% (40).

Il n’y a pas de traitement standard défini pour les patients de haut risque, le traitement comprenant, outre la chirurgie et la radiothérapie crânio-spinale, une chimiothérapie conventionnelle ou de plus en plus souvent à haute dose suivie d’une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH). Des résultats encourageants ont été rapportés avec un taux de survie sans récidive de 70% à 5 ans (22).

Concernant les enfants de moins de 3 à 5 ans de risque standard, plusieurs protocoles de polychimiothérapie ont été testés afin de différer voire de supprimer la radiothérapie. La plupart de ces protocoles utilisent certaines ou toutes les molécules suivantes : vincristine, cisplatine, carboplatine, étoposide, cyclophosphamide, et méthotrexate.

Dans l’étude BBSFOP, 22% des enfants étaient vivants à 5 ans sans avoir reçu de radiothérapie grâce à la chimiothérapie prolongée postopératoire. La survie sans progression à 5 ans était de 41% dans le groupe R0M0 avec une résection complète, versus 0% en cas d’exérèse subtotale (27). Dans ce groupe, la plupart des rechutes sont survenues dans la fosse postérieure et ont été traitées par une chimiothérapie conventionnelle associée à une chimiothérapie à haute dose suivie d’une greffe de CSH, éventuellement d’une exérèse et à une radiothérapie uniquement de la fosse postérieure en cas de récidive locale, permettant d’obtenir une survie globale à 5 ans de 73%. Dans l’étude HIT SKK allemande associant à la chimiothérapie conventionnelle, l’administration intra ventriculaire de méthotrexate et du méthotrexate à haute dose par voie systémique, la survie sans événement à 5 ans était de 83% (59). Ces études ont permis de clairement dégager les facteurs pronostiques des médulloblastomes des enfants de moins de 5 ans, qui correspondent, pour les plus mauvais pronostics à une histologie classique ou anaplasique/larges cellules, à l’existence d’un résidu tumoral et de métastases, alors que les meilleurs taux de survie sont observés parmi les cas de médulloblastome desmoplasique/nodulaire ou à nodularité extensive, localisés, sans résidu ni métastase (60). Il a été montré, par ailleurs, par les tests neuropsychologiques réalisés à distance, que les séquelles intellectuelles étaient nettement moindres chez ces enfants qui n’avaient pas reçu d’irradiation crâniospinale.

En cas de rechute ou de progression, il est possible de proposer l’inclusion dans des essais de phase II : chimiothérapie métronomique associant celecoxib-methotrexate-vinblastine-cyclophosphamide (SFCE-Metro 01) ou topotecan + temozolomide (TOTEM 2).

SURVEILLANCE

Elle se fait par un examen clinique et la réalisation d’IRM crânio-spinales tous les quatre mois les deux premières années, tous les six mois les deux années suivantes, puis une fois par an jusqu’à cinq ans (69). Elle est particulièrement importante chez les patients les plus jeunes et traités par chimiothérapie exclusive, les rechutes pouvant être traitées efficacement par chimiothérapie et irradiation (cf supra). Chez les plus grands, elle paraît nécessaire afin de tenter d’améliorer le pronostic des rechutes par des traitements plus précoces dont l’efficacité doit être évaluée.

LES SEQUELLES

*1) Séquelles neuro cognitives

Les différents facteurs influençant les séquelles neuro-intellectuelles correspondent à l’âge au moment du diagnostic, à la tumeur primitive (éventuelle dissémination métastatique, hydrocéphalie) surtout si elle est diagnostiquée tardivement, au geste chirurgical (incision vermienne) en cas de complication, à la radiothérapie (dont les séquelles sont dose-dépendantes), à la chimiothérapie, à l’environnement parental et scolaire, et à la qualité de la prise en charge de ces séquelles.

Les séquelles intellectuelles sont d’autant plus importantes que l’âge au moment du diagnostic est précoce (45). Avant même le diagnostic, peuvent survenir des lésions cérébrales à l’origine des séquelles intellectuelles dues notamment à l’hydrocéphalie, d’autant plus importantes que le diagnostic a été plus tardif. Elles sont également le résultat des lésions qui peuvent être dues :
-  au traumatisme dû à la pose d’une valve de dérivation du LCS, à la chirurgie, le rôle du cervelet étant majeur dans le développement cognitif, à la possibilité de complications post-opératoires de type méningite ou infection de la valve de dérivation du LCS (32, 33, 36)
-  à la chimiothérapie par l’intermédiaire de troubles sensoriels (surdité due à l’utilisation de dérivés du platine) ou en rapport avec une encéphalopathie surtout lorsqu’elle est associée à la radiothérapie (16, 17)
-  surtout à la radiothérapie (28, 29) qui est la première cause de séquelles intellectuelles. Des batteries de différents tests permettent d’identifier des anomalies dans les domaines de l’attention, de la mémoire, de la coordination, de la rapidité de motricité fine, de processus moteurs visuels, des mathématiques et des relations spatiales (35). La chute du quotient intellectuel, même si elle ne reflète pas complètement les capacités d’adaptation intellectuelle, est le paramètre le plus souvent utilisé pour rapporter l’altération des performances intellectuelles (29). Elle peut survenir dès la première année suivant la radiothérapie et se poursuivre avec le temps, en moyenne 5 à 10 ans. Ainsi, dans l’étude de Hoppe-Hirsh et coll., à la suite d’une radiothérapie à la dose prophylactique 35 Gy sur l’encéphale et curative de 55 Gy sur la fosse postérieure, un QI inférieur à 80 est observé dans 42% et 85% des cas respectivement à 5 ans et 10 ans du diagnostic (32). L’altération intellectuelle est d’autant plus importante que l’irradiation survient tôt dans la vie (45) ce qui a conduit à éviter l’irradiation chez les enfants âgés de moins de cinq ans. Dans une étude sur le suivi longitudinal du QI, les enfants âgés de plus de 7 ans au moment de l’irradiation ont significativement un QI en fin d’étude plus bas que celui des enfants plus jeunes et les enfants ayant un QI initialement supérieur à 100 sont ceux dont la chute du QI est la plus importante (56). L’altération intellectuelle est également d’autant plus sévère que le volume d’irradiation est important (ensemble de la fosse postérieure versus lit tumoral) (29, 33, 64), et que la dose d’irradiation est importante. Ainsi, dans les études de Mulhern et coll., les enfants ayant reçu une irradiation prophylactique à la dose de 35 Gy avaient en moyenne un score de QI plus bas de respectivement de 8 et 10 points par rapport à ceux ayant reçu la dose de 24 Gy (45). Il n’a pas été observé de corrélation entre l’évolution du QI et celle des lésions qui peuvent apparaître sur l’IRM (21).

*2) Séquelles endocriniennes

Une atteinte endocrinienne est observée dans plus de 50 % des cas. L’altération de la sécrétion d’hormone de croissance (GH) représente la première cause de séquelle endocrinienne et la plus précoce. A la suite de l’irradiation de l’axe hypothalamo-hypophysaire un ralentissement de croissance peut être détecté dès le 3ème mois (17). Une réponse anormale au test de stimulation de la GH et/ou une diminution de la vélocité de croissance peuvent être observées dès la dose de 29 Gy ou de 18 Gy en cas d’irradiation crânio-spinale (26). Le rôle de la chimiothérapie associée est également incriminé dans la sévérité du retard statural (49). La survenue d’une puberté précoce peut poser le problème diagnostique d’une vélocité de croissance normale due aux secrétions de gonadotrophines chez un enfant ayant une altération de la sécrétion de la GH ; elle aboutit alors à une taille finale diminuée en raison d’une fusion trop précoce des épiphyses. Le traitement par GH est indiqué lorsqu’il existe un déficit complet objectivé par les tests de provocation. Cependant, ce traitement ne permet pas d’obtenir dans tous les cas une récupération totale du déficit statural. Ainsi, l’irradiation spinale entraîne indépendamment de toute anomalie de la GH, une diminution de la croissance de la colonne vertébrale due à l’irradiation des cartilages de croissance vertébraux. Cette anomalie de croissance vertébrale est d’autant plus importante que l’âge au moment de l’irradiation est jeune, pouvant aboutir à un déficit statural de l’ordre de 9 cm au niveau du tronc (64). Un déficit en GH peut également être responsable de modifications de la composition corporelle et d’une augmentation du risque cardiovasculaire (30). Le risque d’augmenter la fréquence des récidives tumorales n’a jusqu’à présent pas été rapporté (53).

D’autres déficits neuro-endocriniens peuvent survenir. L’anomalie la plus fréquente est alors l’hypothyroïdie qui survient dans plus la moitié des cas en rapport avec l’irradiation de la thyroïde elle-même et de l’axe hypothalamo pituitaire (30). L’hypothyroïdie est dose-dépendante et peut survenir dès la dose de 25 Gy sur le cou. En raison du risque carcinologique d’une stimulation prolongée de la thyroïde par la TSH à la suite de l’irradiation thyroïdienne, une surveillance annuelle est nécessaire et éventuellement un traitement par thyroxine. La puberté peut survenir de façon prématurée, due à une hydrocéphalie prolongée et surtout à l’irradiation prophylactique encéphalique (48), très rarement de façon retardée et le plus souvent normalement. Des anomalies des gonadotrophines ou de l’axe cortico-surrénalien sont rares.

*3) Séquelles neuro-sensorielles

La plus fréquente correspond à une chute de l’audition en rapport avec l’utilisation de dérivés du platine mais également en rapport avec la radiothérapie. Elle est dose-dépendante et est sévère dans environ 10% des cas (39). Les séquelles neurologiques sont surtout cérébelleuses et ont tendance à s’améliorer avec le temps (52).

*4) Qualité de vie

Très peu d’études rapportent la qualité de vie des patients traités durant leur enfance pour un médulloblastome. Dans l’étude la plus documentée, portant sur 342 adultes traités durant l’enfance entre 1945 et 1974, vivants à plus de 5 ans du traitement, ayant atteint l’âge de 21 ans, et comparés à 479 membres de leurs fratrie, ceux traités pour un médulloblastome avaient significativement plus de problèmes de santé, plus d‘incapacité physique et/ou intellectuelle à travailler et à conduire (44). En outre, les adultes ayant été traités d’une tumeur cérébrale dans l’enfance (en particulier d’un MB) seraient plus à risque d’idées suicidaires (7).